En préambule, sur le plan sanitaire, la crise du Covid 19 nous démontre ce que nous savions depuis longtemps, à savoir que le système hospitalier public est le seul bouclier capable de nous protéger lorsque la société et, surtout ses membres les moins favorisé.e.s, sont menacé.e.s et fragilisé.e.s par des évènements exceptionnels. Et cela malgré une politique menée depuis des années par nos différents gouvernements, dont seule la vision économique guide leurs décisions, les hôpitaux devenant des institutions de profits. L’argent et la rentabilité président aux décisions. Ces logiques doivent changées pour pouvoir s’adapter à des situations, que les scientifiques nous annoncent, comme devant survenir de plus en plus souvent. C’est dans cet esprit, faire face aux défis à venir, que le POP prend position aujourd’hui sur la loi Covid.
Le Pop tient tout d’abord à saluer vivement et remercier les collaboratrices et les collaborateurs actifs dans le domaine de la santé pour leur travail réalisé souvent dans des conditions extrêmement difficiles et pour leur résilience et leur capacité à affronter cette situation. Nous souhaitons également saluer la réaction de l’ensemble de la population dans ce contexte particulièrement éprouvant sur le plan physique, psychologique et social. Nous tenons à souligner la nécessité de maintenir un dialogue avec l’ensemble de la population, car les divisions actuelles sont nocives pour notre société qui a besoin plus que jamais de solidarité entre ses membres.
L’humanité est confrontée à une importante pandémie mettant à mal l’ensemble des systèmes sanitaires, notamment ceux des pays les moins bien dotés, en termes de structures sanitaires et de moyens financiers. La pandémie fait ressortir les inégalités mondiales de manière criantes, et ce, dans tous les domaines. C’est une réponse globale dont nos sociétés du Sud comme du Nord ont besoin et pour laquelle nous devons consacrer toutes nos énergies.
Même s’il y a eu des hésitations, parfois même des contradictions, qui s’expliquent, en partie, par la situation d’urgence à laquelle nous faisons face – cette pandémie étant la plus grande et la plus meurtrière que connait notre pays depuis la grippe espagnole et par conséquent -, on peut estimer que la réaction et la gestion par les autorités politiques et sanitaires cantonales et fédérales a été plutôt satisfaisante. Par contre nous avons quelques interrogations quant à l’anticipation de ce genre de situation.
Cette crise nous démontre également le rôle majeur d’une approche en santé publique, très souvent minimisée par les autorités politiques, et également par le monde médical, qui continuent d’appréhender la santé avec une vision étriquée de traitement des pathologies uniquement, en laissant de côté le volet prévention et gestion de la santé des populations.
En nous tenant de façon objective, au vu des connaissances scientifiques et épidémiologiques actuelles, nous pouvons résumer la situation sanitaire comme suit :
1. Le coronavirus est présent dans le monde entier et selon différent variants, résultat de différentes mutations, il est très contagieux.
2. Il n’y a actuellement aucun traitement pour guérir la Covid.
3. Il existe actuellement des traitements reconnus pour soulager les symptômes provoqués par le virus et pour diminuer les risques d’un transfert en réanimation tels que les antis inflammatoires de type corticostéroïde comme la déxaméthasone ou un traitement intraveineux d’anticorps monoclonaux pour les personnes vulnérables non vaccinées. Ces traitements nécessitent une hospitalisation.
4. Actuellement la réponse principale pour endiguer la pandémie est la vaccination d’une majorité de la population. 90% des personnes actuellement hospitalisées en Suisse dans des services de médecine interne ou en réanimation ne sont pas vaccinées. La corrélation statistique entre le taux de vaccination d’une population d’une région donnée et le taux de patients en réanimation ou décédés démontre, comme au Texas ou dans la région de Marseille par exemple, que le vaccin est efficace pour éviter les cas graves, et donc pour protéger le système de santé. Cependant, l’accès au vaccin doit être possible pour le monde entier et une plus grande solidarité des pays occidentaux est indispensable pour une répartition équitable.
5. Les effets collatéraux sur le système de santé sont très importants, examens diagnostics repoussés, chirurgies renvoyées…..et surtout l’épuisement du personnel soignant qui quitte la profession et provoque une pénurie dans certains services spécialisés.
Enfin, revenons sur deux arguments d’ordre sanitaire sur lesquels s’appuyaient les personnes qui faisaient signer le référendum pour dénoncer l’instrumentalisation, réalisée par certains groupements, qui utilisent des arguments fallacieux que le POP ne saurait soutenir, notamment ceux faisant référence à la situation sanitaire et à des complots fantasmés. Pour le moment, la meilleure voie est la vaccination, nul traitement ne permet de prémunir le système hospitalier. Jeter de l’huile sur le feu dans une situation de crise est malheureusement une vieille méthode de l’extrême-droite, dont il faut se garder sans hésitation.
1. Le premier argument est de soutenir que cette pandémie est le résultat d’un complot des entreprises pharmaceutiques. Certes, l’industrie pharmaceutique va tirer de gros bénéfices de cette crise sanitaire, ce qui évidemment est scandaleux, d’autant que les recherches qui ont abouti aux différents vaccins ont été largement financées par des fonds publics. Mais ceci n’est pas étonnant dans une logique et un cadre d’une économie capitaliste. Privatisons les bénéfices et socialisons les pertes est la base de ce système. Le grand scandale et la grande injustice se trouvent dans l’énorme disparité de l’accès aux vaccins pour les populations des pays à faible capacité économique. À ce titre, l’OMS appelle à une meilleure répartition des doses de vaccin, afin de garantir l’accès à la vaccination aux populations à risque dans les pays moins favorisés. Les brevets doivent être levés sans délais, pour que l’ensemble des pays puissent obtenir, voire produire des vaccins. La pandémie a aussi démontré notre extrême dépendance à la production pharmaceutique étrangère, notamment chinoise. Ce point démontre la nécessité pour une nation d’avoir le contrôle de certains secteurs industriels stratégiques pour ne pas dépendre d’intérêts privés.
2. Second point avancé, celui disant qu’il existerait un médicament contre la Covid que les médecins refusent de prescrire. La réponse se trouve dans le paragraphe ci-dessus. Il n’existe pas de traitement caché. C’est donc un argument fallacieux.
La situation sanitaire a un impact sur l’ensemble de la société. Le POP est particulièrement inquiet de la dégradation du contexte social, notamment de la fracture entre différents groupes, rompant les amitiés et parfois même les familles. Le contexte est extrêmement tendu et seule la reprise d’un dialogue constructif permettra de sortir de cette crise par le haut. À cet égard, nous appelons les personnes exerçant de hautes responsabilités politiques et scientifiques à tempérer les tensions plutôt qu’à les exacerber, en prenant garde à ne pas stigmatiser des pans entiers de la société. La menace, rappelons-le tout de même, provient d’un virus et non pas des êtres humains.
La situation sanitaire ne doit pas nous empêcher de porter un regard critique sur certains points de la loi Covid. Ainsi, élargir certaines prérogatives du Conseil fédéral jusqu’en 2031 nous apparaît totalement disproportionné. Nous regrettons également que des éléments de la loi spécifiquement attaqués par référendum aient été mis en place avant la décision populaire. Les droits démocratiques doivent être garantis et un retour à la normale doit être envisagé le plus rapidement possible. Des précédents ont démontré que les autorités, ayant obtenu des pouvoirs étendus, peinent à les rendre. Il est donc nécessaire d’être particulièrement attentif à cet état de fait. L’autoritarisme ne saurait en aucun cas être une solution.
L’extension des prérogatives fédérales dans le système de traçage est également très inquiétante. Une fois mis en place, ce type de système est rarement suspendu et, bien souvent, réutilisé pour d’autres buts que ceux pour lesquels ils sont initialement prévus. Ce sont les militantes et les militants œuvrant pour un changement de système qui en sont en général victimes ; l’histoire des fiches en est une éclatante démonstration que le POP n’est pas prêt d’oublier. Nous ne souhaitons pas voir ce genre de système prendre de l’importance et serons particulièrement vigilant sur ce point.
Finalement, rappelons que ce qui compte est avant tout de permettre au système hospitalier de tenir le choc et, sur ce point, le non-remboursement des tests ne permettra plus de contrôler l’étendu de la pandémie, qui était pourtant annoncé comme vital pour gérer la crise. La gratuité des tests doit être impérativement garantie.
Enfin, le POP rappelle que la pandémie a mis en exergue l’ensemble des lacunes du système dans lequel nous vivons. Un individualisme outrancier, un système sanitaire libéralisé, la grande difficulté de réaction et d’adaptation à des situations exceptionnelles, … Cette crise doit servir à construire un futur meilleur. Si le POP soutient globalement, bien que de manière critique, la plupart des mesures mises en place – et qu’il sera extrêmement vigilant à un retour à une situation juridique et politique normalisées -, il est impératif de mettre en place une autre vision du monde que celle que nous connaissons. De nouvelles crises surviendront. L’urgence climatique menace et est bien réelle. La situation actuelle démontre pleinement que notre société n’est pas prête à réagir sanitairement et démocratiquement à de tels événements. Une sortie de crise doit se faire en tenant compte de ces aspects, afin d’être juste, sociale et écologique.
Nago Humbert et Julien Gressot