Le marché contre les services publics

Publié le  par Alain Bringolf dans Gauchebdo

Malgré la publicité actuelle de la Poste qui dit être au service de tous, les offices postaux disparaissent selon une logique implacable. Ces faits regrettables résultent de l’application d’une politique marchande, appliquée rigoureusement par les autorités.

Un article de Catherine Favre paru dans Arcinfo récemment présentait la réunion des habitants de la petite commune de Lignières dans le canton de Neuchâtel, qui s’étaient regroupés afin de prendre congé de la Poste du village.

Ils étaient nombreux et nombreuses pour se souvenir de la défunte, décédée le 13 octobre 2018. Elle avait 90 ans cette poste, qui animait la vie du village. Son rôle social a été évoqué lors de la manifestation et les regrets rejoignaient ceux des habitants des quelques 1’300 localités du pays, victimes de fermetures ou de réductions de prestations de ce service public. A Lignières, il reste un café, une laiterie et une boucherie.

Perte des relations humaines

Un participant en colère a déclaré que les cars postaux font des déficits et qu’on fait payer les petits. D’autres habitants regrettaient l’absence des municipaux du village à cette réunion. A quoi servent-ils s’ils s’éloignent de la base? Evidemment aucun représentant de la poste n’a osé se confronter aux villageois.

Cette situation complexe fait réfléchir et plusieurs habitants craignent que leur village ne se transforme peu à peu en une cité-dortoir, car l’immobilier se porte bien.

Cette nouvelle fermeture suscite comme principal regret celui de la perte des relations humaines qui existaient autour du bureau de poste, comme elles existent encore dans les petits commerces.

Objectivement, nous savons que les habitudes des usagers ont changé. Mais sont-ils responsables des fermetures des bureaux de poste? Dans notre société dominée par les règles du marché, les décisions se prennent selon les règles économiques du capitalisme. Il s’agit de réduire les frais et d’augmenter les bénéfices ou la rentabilité. Et lors de ces choix économiques et stratégiques, les effets sociaux ne sont jamais pris en compte. Dès lors, les élus politiques ne font pas un choix sur la base d’une connaissance complète du dossier.

Destruction des liens sociaux

Ces choix économiques sont suivis par la Confédération, les cantons et bon nombre de communes. Il s’agit d’une lutte sans merci entre le secteur public et le secteur privé. Et la droite, majoritaire dans la plupart des parlements, exige de la part des autorités exécutives encore davantage de décisions allant dans le même sens. Les autonomisations de plusieurs services publics comme la Poste, les CFF ou Postfinance au plan national ou du service des automobiles et de la navigation et de l’Hôpital au niveau du canton, accompagnées de son lot de déclarations pour baisser les impôts et réduire diverses prestations publiques, se nourrissent de la même logique.

Cette destruction des liens sociaux crée de l’inquiétude auprès de la population, car les emplois diminuent. Cette pratique a pour conséquence une augmentation des difficultés financières de beaucoup de salariés. Une partie de ceux-ci n’ont d’autres recours que de s’adresser aux services sociaux. Cette réalité occasionne une augmentation des dépenses sociales. Celles-ci touchent directement les finances publiques. Alors, les milieux politiques favorables au marché exigent, pour améliorer les finances publiques, de réduire les indemnités. C’est l’histoire du chien qui se mord la queue.

Comment veut-on équilibrer socialement une société, si on casse systématiquement les activités qui unissent?

Les formations politiques qui veulent suivre une autre logique pourraient bénéficier dans les urnes d’une prise de conscience de ces dysfonctionnements. Mais c’est sans compter sur la puissance financière des grands partis, qui tablent sur la devise: «ce qui est cru est plus important que ce qui est vrai!»*

*Le triomphe de la bêtise, Armand Farrachi, Edition Actes sud