Développement ou décroissance?

Développement ou décroissance?

Réflexion • Deux camps s’affrontent irréductiblement: il y a ceux qui considèrent que l’avenir passe par le développement et ceux qui pensent que la décroissance est la seule solution pour éviter une catastrophe.

Développement ou décroissance? Il n’est pas possible de donner une réponse simple à cette question. Il est souhaitable, par exemple, que le développement de l’intelligence humaine se poursuive constamment, alors même que le développement matériel, abusant des ressources naturelles, devrait être aboli, ou tout au moins repensé.  Pourtant, malgré son développement continu, le cerveau humain n’a pas changé son inclinaison génétique de base, à savoir se préoccuper d’abord de l’intérêt individuel dans une confrontation constante, nourrie par la recherche du pouvoir. Avec l’essor du commerce, cette soi-disant supériorité par rapport aux animaux a décuplé ses effets négatifs. Ceux-ci apparaissent dans des relations de pouvoir, qui se matérialisent par la suprématie des riches dans tous les pays de la planète. Ils provoquent un dysfonctionnement, qui pèse lourdement sur l’existence même de l’être humain sur la planète.  Manque de volonté politique Par contrainte de survie mondiale, il devient urgent de corriger nos modes de fonctionnement et de nous interroger sur les règles de base de nos sociétés libérales. Mais, saurons-nous changer de comportement avec quelques réflexions? Parfois, j’ai des doutes, car seul un changement profond de nos règles de société pourrait nous y contraindre. Pour organiser et imposer cette transformation, il faudrait des dirigeants et des majorités politiques capables et déterminés à un tel changement radical. Malheureusement, nous constatons que les règles dominantes dans le secteur politique restent basées plus que jamais sur l’accession au pouvoir avec, en miroir, l’argent qui en découle.  Ce processus donne envie aux plus faibles de devenir riches, et le mouvement s’accélère de manière inquiétante. Chaque individu veut atteindre la marche sociale qui se trouve directement au-dessus de celle qu’il occupe, et cet objectif est partagé par la plupart des individus, des plus pauvres aux plus riches.  Un modèle de développement suicidaire Cette constatation détermine le sens du terme de décroissance, qui représente d’abord un défi pour remettre en question un modèle suicidaire de développement humain. Elle préconise ainsi la nécessité d’une volonté pour organiser un autre modèle de société. Le choix sera finalement simple: soit l’être humain réussit à changer sa logique, soit la fin de notre civilisation, actuellement au bord de son extermination, se déroulera de plus en plus rapidement. Une autre manière de vivre consisterait d’abord à remettre en question certaines activités nocives, afin de s’engager dans celles qui respectent l’environnement, qui nous est nécessaire. Outre la réduction de la consommation hallucinante qui existe dans les pays riches et qui forme un modèle pour les pays en développement, diverses activités pourraient aussi être modifiées. Dans les pays riches, l’extension des loisirs constitue, par exemple, un objectif quasi fondamental pour beaucoup d’habitants. Elle pourrait être revue à la baisse. Les flots de touristes commencent à poser des problèmes insurmontables – même pour les habitants qui en tirent profit – par les dégâts qu’ils causent, en déséquilibrant la relation entre l’être humain et la nature. Nous ne pouvons pas continuer à nous prétendre être le maître absolu de notre existence, sans prendre en compte la nécessaire biodiversité, qui constitue l’équilibre indispensable à la vie.  A la base de ces modifications négatives, on trouve un système, le capitalisme, qui est basé sur la recherche individuelle du maximum de richesse. Sera-t-il possible de lui donner une autre structure, afin de mieux maîtriser les relations économiques? Celles-ci devraient aussi être soumises à l’application d’un meilleur équilibre entre l’être humain et la nature. Pourtant, même les premiers effets concrets du réchauffement climatique n’incitent pas les gouvernements à mettre en pratique leurs discours.  Cependant, des contre-pouvoirs, ridiculisés par les tenants de l’économie triomphante, gagnent un peu de terrain, même s’ils sont modestes. Des tentatives pour vivre mieux et autrement semble se mettre en place, poussant certains habitants de la planète à oser des pratiques audacieuses. Ces actes, bien que modestes, démontrent dans les faits qu’il est possible d’être heureux sur terre, sans courir jusqu’au supermarché le plus proche pour s’approprier l’action du jour. Un espoir subsiste encore, mais il est de petite taille.  Par sa logique, le terme décroissance a l’avantage d’introduire dans les cerveaux l’idée de la nécessité de tenter le grand chambardement. Dans ce sens, il mérite notre soutien le plus grand.

Alain Bringolf Paru dans L’Essor